Passionné de bande dessinée depuis l’enfance, Cédric est le fondateur de CedMag Éditions. Depuis 2022, il publie des ouvrages documentés sur les coulisses de séries comme Les 5 Terres, Aquablue et Alix Senator. Un éditeur qui s’adresse aux bédéphiles de la première heure.
Qu’est-ce qui vous a donné envie de vous lancer dans l’édition BD ?
Cédric : Tout a commencé un peu par hasard sur Facebook. Avant de le rencontrer en vrai, c’est sur ce réseau que j’ai fait la connaissance de mon ami Nicolas, graphiste talentueux. En 2022, nous avons réalisé un premier livre sur Les 5 Terres pour le plaisir, sans ambition commerciale. Le bouche-à-oreille a été immédiat, les 100 exemplaires sont partis très vite et ils étaient réservés avant sa parution au festival de Saint-Malo. Le public voulait en savoir plus, les auteurs et l’éditeur Delcourt étaient contents du résultat… Je me suis dit qu’il y avait quelque chose à creuser.
David Chauvel et Jérôme Lereculey avec l’édition originale du premier " Coulisses " sur leur série Les 5 Terres, Saint-Malo, Octobre 2022 © Cédric
Quelle est la signification du nom « CedMag » ?
Cédric : Le nom vient de la contraction de mon prénom, Cédric, et de celui de mon épouse, Magali. C’est elle qui m’a soutenu dans ce projet. Et le logo, est une grenouille, inspirée de Garulfo, une série chez Delcourt que j’adore. J’aurais bien aimé appeler la maison Garulfo Éditions, mais le nom étant une série BD et donc une marque, cela n’a pas été possible. Par contre, le livre Garulfo, les coulisses, est paru fin janvier dernier pour Angoulême pour les 30 ans de la parution du T.1 et rencontre un accueil exceptionnel auprès du public et des auteurs. Guy Delcourt lui-même était ravi de son exemplaire !
Guy Delcourt avec les " Coulisses " de Garulfo, Angoulême 2025 © Cédric
Comment choisissez-vous les séries que vous traitez ?
Cédric : C’est avant tout une histoire d’amitié. Je fréquente les festivals depuis des années, et j’ai tissé des liens avec de nombreux auteurs. Le premier critère est : « Ai-je envie de travailler avec cet auteur ? » Ensuite, j’en parle avec Nicolas (mon graphiste). Si nous sommes d’accord, je contacte l’auteur, puis l’éditeur. Un contrat est établi pour chaque livre publié (avec le règlement de droits associés) et chaque projet est bien entendu validé par la maison d’édition et les auteurs avant impression.
Comment travaillez-vous avec votre graphiste ?
Cédric : Nicolas, qui est aussi et avant tout un ami, passionné comme moi, se charge de la mise en page. Je sélectionne les croquis, les planches, etc., puis nous affinons la maquette ensemble avant de soumettre le tout aux auteurs et à l’éditeur.
Vous travaillez principalement avec Delcourt ?
Cédric : Oui, une grande partie de nos livres a été réalisé avec Delcourt, mais nous travaillons aussi avec Casterman. Par exemple, Les Coulisses d’Alix Senator (tome 3) est bouclé, il paraîtra fin janvier 2026 pour le festival d’Angoulême où je suis présent tous les ans, parmi les festivaliers. Nous avons également un projet autour de Renaissance et de son spin-off Apogée, avec Fred Duval, Emem et Fred Blanchard et les éditions Dargaud du groupe Mediatoon.
Quel est le principe des « coulisses » que vous publiez ?
Cédric : L’idée, c’est de montrer ce qu’on ne voit jamais ou presque : le travail préparatoire, les choix narratifs, les étapes du dessin… Nous demandons alors aux auteurs de choisir quelques planches qu’ils souhaitent commenter. De mon côté, je sélectionne aussi des planches qui m’inspirent. Ensuite, les auteurs envoient toutes les étapes : scénario, storyboard, noir et blanc, couleurs, etc. Nous intégrons alors leurs commentaires, parfois sous forme d’interview, parfois sous forme de texte rédigé par eux-mêmes. J’aime aussi donner la parole aux coloristes et aux intervenants qui gravitent autour de la série, comme les éditeurs. Par exemple, pour L’Ombre des Lumières d’Alain Ayroles et Richard Guérineau, j’ai eu la chance et l’honneur d’interviewer Guy Delcourt, qui a accompagné les auteurs comme éditeur. A l’image de ce qu’il avait fait sur Les Indes fourbes, d’Alain Ayroles et Juanjo Guarnido, avec le succès que l’on connait.
Les 24 ex-libris déjà édités, en lien avec chaque " Coulisses " © Cédric
Votre travail ne se limite pas aux séries complètes ?
Cédric : Pas forcément. Un exemple : Stéphane Louis ne devait faire qu’un tome d’Aquablue au départ, le tome 18. Comme c’est une série qui nous tient particulièrement à cœur à Nicolas et moi, nous avons publié un livre uniquement sur ce tome. Finalement, il a signé pour un triptyque et continue la série pour notre plus grand bonheur !
Vous sortez aussi des collections parallèles : crayonnés, storyboards… pouvez-vous nous dire comment cela s’est fait ?
Cédric : J’ai réalisé qu’il y avait un vrai plaisir à montrer des versions brutes, non finalisées, de certains albums. Par exemple, Wollodrïn a été entièrement crayonné à la main au verso des planches, avant encrage en transparence. Les crayonnés sont magnifiques, très vivants. Nous les avons publiés par dyptique, avec explication de sa méthode par Jérôme Lereculey.
C’est un peu une extension naturelle des coulisses, pour les passionnés encore plus curieux. J’ai aussi édité un coffret d’ex-Libris des 5 Terres signé, des recueils de storyboards… et depuis peu, on se lance dans la statuette !
Des statuettes ? Racontez-nous ça !
Cédric : C’est venu d’un désir très simple : j’adore Les 5 Terres et je révais d’une statuette de personnage. Pourquoi ne pas monter le projet ? J’ai repéré une sculptrice sur Facebook, Marjorie Chantre, qui travaillait déjà sur les Terres d’Arran. Je l’ai contactée, elle a accepté, et j’ai eu l’accord des auteurs et de Delcourt.
Depuis, nous avons produit deux statuettes des 5 Terres (This et Blaserius), et je viens de lancer la grenouille de Garulfo, réalisée par un autre sculpteur, Sculpt Fly. Statuette que CedMag Editions commercialise directement. D’autres projets suivront : Alix Senator notamment. Ce sont des objets en résine, peints à la main, à tirage limité, numérotés et avec certificat d’authenticité signé par l’auteur.
Statuette de Garulfo © CedMag Éditions - Sculpt Fly
Vous parliez de Numa Sadoul, célèbre pour ses entretiens avec Franquin, Moebius ou Uderzo… Vous prévoyez également de lancer une collection d’entretiens ?
Cédric : Oui ! Numa m’a fait l’immense honneur d’accepter de parrainer cette nouvelle collection. Elle s’appellera « Entretiens », et proposera des discussions longues et approfondies avec des auteurs. Le premier volume sera consacré, et c’est un scoop, à Jérôme Lereculey, qui est un ami de longue date. Il a en effet réalisé les dessins du faire-part de naissance de ma plus jeune fille de 9 ans : Alix. Ce sera un livre plus intimiste, avec photos, dessins inédits, témoignages de proches de l’auteur… Parution prévue fin 2026 début 2027.
Numa Sadoul avec les deux " Coulisses " d'Alix Senator, Cagnes-sur-Mer, Avril 2025 © Cédric
Combien de titres avez-vous publiés à ce jour ?
Cédric : Nous en sommes à 16 livres publiés en deux ans et demi, et nous atteindrons 19 titres d’ici la fin d’année. Les tirages vont de 50 exemplaires à 250. Le premier livre a été vendu à plus de 365 exemplaires et en est à sa 4° édition. Nos livres sont numérotés et signés par les auteurs. Chaque titre est imprimé avec un papier de qualité (150g/m2) et une couverture mate « soft touch » ou peau de pêche. Pour les commandes sur le site, il est accompagné d’un ex-libris exclusif, format A5, signé par les auteurs. L’idée est de faire un bel objet, rare, pour les passionnés.
Vos livres sont même présents dans certaines bibliothèques ?
Cédric : `Effectivement, j’adore les bibliothèques et je les ai offerts à celles que je fréquente et qui ont les séries concernées. J’ai aussi fait don de chaque ouvrage des coulisses à la Cité de la BD à Angoulême (où ils figurent dans le fonds patrimonial, accessibles uniquement aux chercheurs et professionnels) et à la bibliothèque municipale, où ils peuvent donc être consultés librement. C’est une manière de rendre à la ville d’Angoulême et à son festival, ce qu’ils m’ont apporté. En effet, je m’y rends depuis mes 12 ans. Je suis un enfant d’Angoulême !
En plus du site internet, on peut bien entendu trouver les ouvrages en librairie, il suffit de les commander à son libraire. Nous avons aussi un partenariat avec les librairies Expérience à Lyon et Excalibur à Chambéry qui ont en rayon l’intégralité de nos livres ainsi qu’un exemplaire de la statuette de Garulfo. Et peut-être bientôt à Paris.
Vous vivez de l’édition aujourd’hui ?
Cédric : Non, pas du tout. CedMag Éditions, c’est une passion, sur mon temps de loisirs. Avec Nicolas, nous faisons cela pour le plaisir, pour être au plus près des acteurs de la BD. Nous avons toujours rêvé de travailler dans ce milieu. C’est un peu le cas maintenant !
Qu’est-ce qui a évolué depuis vos premiers livres ?
Cédric : Au début, nous ne laissions pas autant la parole aux auteurs. Aujourd’hui, ils choisissent eux-mêmes les planches qu’ils souhaitent commenter. Nous intégrons plus de témoignages et d’interviews, y compris des proches ou des collaborateurs, comme la sœur de Thierry Cailleteau qui a réalisé une magnifique préface pour Aquablue, les coulisses du T.18, à propos de son frère qui est décédé pendant la réalisation de l’album.
Quelles sont vos principales difficultés ?
Cédric : Le principal risque, c’est qu’un auteur ou un éditeur refuse un projet. Et certains dossiers prennent beaucoup du temps à être validés, car il y a parfois des ayants droits des créateurs qu’il faut convaincre... Sinon, c’est surtout de la logistique et du temps.
Pour conclure, quel est le projet dont vous êtes le plus fier ?
Cédric : Difficile… Mais je dirais que le passage aux statuettes représente une vraie prise de risque. C’était en dehors de ma zone de confort. Et puis, le projet d’entretien avec Jérôme Lereculey me tient particulièrement à cœur. J’ai l’impression qu’on touche à quelque chose de plus personnel, de presque patrimonial. La perpétuation des livres d’entretiens et la filiation avec mon ami Numa Sadoul me touche particulièrement. Alors que nous marchions dans la rue Hergé à Angoulême et passions devant son buste, Numa m’a dit : « Cédric, j’étais là pour l’édition zéro du festival ! ». Je lui ai répondu : « Ne le prends pas mal, Numa. Mais pour moi, tu fais partie de l’histoire de la BD ! ». Cette conversation n’aurait pas eu lieu sans CedMag Editions…
Portrait N&B de l'éditeur Cédric, réalisé par son ami et graphiste Nikoman © Nikoman
EditeurEté2025
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